Au fil de mes lectures LEP - "Né d'aucune femme" de Franck Bouysse

"AU FIL DE MES LECTURES" SPECIAL LIRE EN POCHE 2020

Bonsoir, mes amis lecteurs ! ^^

Chaque vendredi, jusqu'au 9 octobre, je vous présente les ouvrages que j'ai lus pour me préparer au salon Lire en Poche ;)

Ce soir, c'est un roman assez dur, montrant des femmes violentées mais tentant de garder quoi qu'il en coûte la tête haute, dans "Né d'aucune femme" de Franck Bouysse.

Franck Bouysse

© Pierre DEMARTY / LA MANUFACTURE DE LIVRES

Résumé de l'histoire :

A la mort d’une femme au sein d’un asile, on demande au curé du village, Gabriel,  de venir bénir le corps… mais aussi de récupérer quelque chose qui se trouvera sous les jupes de la défunte : les « Carnets de Rose ».

Le curé ignore qui est Rose, et la demande heurte tous ses principes, mais la femme qui l’a supplié paraissait y tenir à un tel point que l’homme d’église obtempère.

Une fois seul, avec ces carnets entre les mains, il décide de se plonger dans leur lecture et y découvre l’histoire tragique de Rose, issue d’une famille pauvre et vendue par son père à l’âge de 14 ans.

Mon avis :

Info vraie : j'ai pleuré à la lecture de ce livre :'( C'est un roman terrible. Violent. Passionnant. Douloureux. Captivant et enivrant. Je l'ai trouvé magnifique, mais très sombre. L'écriture de Mr Bouysse m'a chamboulé avec son écriture si juste et si touchante pour retranscrire l'histoire de cette femme si rude et dure. Originalité du propos, force des mots, phrasé érudit, musicalité Bouyssienne qui tape direct au coeur, sans préavis, "Né d'Aucune Femme" est de ces livres qui matraquent crescendo sans véritablement laisser entrevoir la moindre porte de sortie tendance rose fushia.

D'une puissance rare, d'une profondeur remarquable, d'un souffle renversant, ce roman de Franck Bouysse nous emporte et nous émeut. Une autre dimension géniale de ce roman réside dans l'action : une intrigue inexistante au tout début, suivie de la présentation de Gabriel, qui reçoit une information et une demande du fond de son confessionnal, qui va aller vers une intrigue contenue dans des cahiers écrits par Rose, personnage principal qui ne parviendra a exister qu'à travers ces cahiers. Il faudra attendre leur lecture par Gabriel pour que se construise progressivement le récit. Si l'on perçoit bien que des événements graves vont survenir, et même si l'on devine de quelle nature, on n'imagine aucunement la suite que je tairais bien entendu !

À travers les yeux du père Gabriel qui découvre les confessions de Rose, l'on suit le destin de la jeune fille, dans la campagne française de la fin du XIXème siècle. L'auteur dresse le portrait ô combien touchant et empli d'émotions de celle-ci, vendue à un riche maître et dont la vie va basculer sous l'emprise de ce dernier et de sa mère. L'auteur surprend le lecteur, notamment en se mettant dans la peau de Rose lorsqu'elle écrit. Il alterne ces chapitres en donnant la voix à Edmond, le palefrenier, au père Gabriel, dépositaire de ces confessions et à Onésime, le père de Rose, rongé par le remords. Un roman où chaque personnage à son importance. Où chaque être fait partie intégrante d'une tragédie plus grande que lui.

Habilement construit et brillamment construit, ce roman, magnifique et déchirant se révèle tout à la fois sombre et lumineux : on croit vivre en enfer constamment aux côtés de Rose, mais par instants, des éclats de lumière viennent la soutenir.  Franck Bouysse a pénétré mon âme de lectrice. Fait véritablement remonter des odeurs de terre, de végétation. On entend le craquement des branches. Nous sommes dans ces bois à courir avec Rose. Réellement. Nous sommes dans ce lit à sangloter sur la solitude de cette enfant.

Une force exponentielle se dégage ici dans ce portrait de cet ange qu'est Rose. Ce n'était qu'une enfant encore, quatorze ans, toute la vie devant elle, l'insouciance comme seul habit, lorsque son père l'a vend pour quelques pièces d'or afin de blanchir la misère sous son toit. Rose est vendue à un homme qui n'est homme que par son nom, Charles. Avec sa mère, ils forment un couple maudit, un monstre à deux têtes. Cette cohabitation néfaste était habilement écrite je trouve, et montrait véritablement la détresse de l'héroine. 

Je craignais en ouvrant ce roman une vague noire déferlante, j'ai été happée comme jamais à travers une littérature engagée, puissante, élaborée où c'est tout un univers qui nous ait conté ici. L'histoire d'une fille forcée à devenir femme avant l'âge et rejetée et laissée pour rien le jour où elle accueillera sa féminité.

Pourtant, je n'ai pas bien compris la fin à la première lecture.
A ma décharge, il était très tard dans la nuit lorsque j'ai achevé ce roman, mon impatience m'a sans doute joué des tours, car j'ai fait l'impasse sur des "détails" importants que je n'ai repérés qu'à la deuxième lecture ... J'ai été surprise, mais pas déçue, au contraire !

Vous l'avez deviné, j'apprécie les fins heureuses, et j'ai pu ici savourer l'espoir qui renaît à la toute fin de cette histoire si sombre, à la faveur "d'une nouvelle éclosion de Rose ... ".

Ma note :

Ténébreux mais touchant, "Né d'aucune femme" a vraiment été l'une des plus grosses surprises dans les ouvrages que j'ai choisis de bouquiner pour Lire en Poche. Avec une histoire aussi éprouvante, Franck Bouysse a réussi à me toucher au plus profond de mon âme... ce qui n'était pas arrivé depuis un bon bout de temps. Je lui donne donc un 8,5/10, pour m'avoir fait ressentir autant d'émotions à la fois à travers l'histoire tragique de Rose. 

"Né d'aucune femme"

(La Manufacture des Livres - 2019 / 332 pages)