Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vivre à fond ses passions littéraires et créatives
30 octobre 2020

Au fil de mes lectures... TPS - "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaître

Au fil de mes lectures...

Spécial Toulouse Polars du Sud

 

Salut tout le monde ! ^^

Après vous avoir parlé pendant un long moment du salon Lire en Poche - malgré le fait que cela n'ait pas eu lieu sniff :'(, je tenais quand même à vous parler par la suite des auteurs que j'ai rencontrés au salon Toulouse Polars du Sud, ainsi que leurs ouvrages que j'ai lus ;)

Ce soir, c'est d'un roman historique, dont je vous avais brièvement parlé il y a quelques mois lorsque je vous faisais ma fiche de lecture sur "Le collier rouge" de Jean-Christophe Rufin, et que j'avais mis numéro 1 dans mon Top 3 sur les romans traitant de la 1ère Guerre Mondiale : "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaître.

 

562653-000_par7648563

Pierre Lemaître

François Guillot

 

Résumé de l'histoire :

Au sortir de la Première Guerre mondiale, deux anciens Poilus, Édouard Péricourt (fils de la haute bourgeoisie, dessinateur fantasque, rejeté par son père) et Albert Maillard, modeste comptable, font face à l'incapacité de la société française de leur ménager une place. Leur relation amicale naît le 9 novembre 1918, juste avant la fin de la Grande Guerre. Albert est le témoin d'un crime : le lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle, aristocrate arriviste qui veut gagner ses galons de capitaine, parvient à lancer une dernière offensive en faisant croire que les Allemands, qui attendent pourtant l'Armistice comme les Français, ont tué deux de ses hommes éclaireurs, mais Albert a compris que c'est le lieutenant qui leur a tiré une balle dans le dos. Pendant l'offensive, Pradelle, se voyant démasqué, pousse Albert dans un trou d’obus, ce dernier se retrouve alors enterré vivant face à une tête de cheval mort. In extremis Édouard sauve Albert d’une mort atroce au prix de sa défiguration par un éclat d’obus, faisant de lui une gueule cassée, alors qu'Albert, traumatisé, devient paranoïaque.

Démobilisés, Albert et Édouard, amers décident donc de se venger de l'ingratitude de l’État en mettant au point une escroquerie qui prend appui sur l'une des valeurs les plus en vogue de l'après-guerre : le patriotisme. Ils décident de vendre aux municipalités des monuments aux morts fictifs...

Mon avis :

Alerte, ceci est un bijou de littérature !!! C'est le moment délicat où je dois vous expliquer, en toute franchise, pourquoi selon moi, "Au revoir là-haut" est le meilleur roman parlant de la 1ère Guerre mondiale.

Déjà ses personnages (hommes comme femmes, adultes comme enfants) sont tous marquants et développés d'une profondeur absolue, dont d'abord le duo principal Albert-Edouard. On a souvent à l'esprit l'idée d'un duo comique au théâtre comme au cinéma... mais ici, nous avons plutôt un binôme dramatique. Chacun se doit la vie et ils seront éternellement reconnaissants envers l'autre (Albert sauvé par Edouard d'une tombe creusée par accident, et Edouard sauvé par Albert du déshonneur de sa gueule-cassée ne voulant pas revoir son père qu'il déteste). En général, le duo marche vraiment bien ensemble ; on a du mal à voir l'un sans l'autre, et leurs interactions sont savoureuses (et ce malgré l'handicap d'Edouard). Mais comment deux êtres que tout opposent physiquement et moralement ont-ils pu en arriver à une alchimie aussi prenante ? Analysons les un par un...

J'ai très vite accroché dans un premier temps à celui d'Albert, comptable au caractère naif, qui ne va pas comprendre ce qui va lui arriver pendant ce conflit de début de XXe siècle (Dans le film, Dupontel a le don d'incarner des héros candides et touchants à la fois), mais qui va évoluer en haissant au plus haut point le crime commis par son supérieur à quelques jours de l'armistice et en voulant se venger d'une société qui l'a mise sur le côté en ne la réintégrant pas dans le travail.

Et que dire d'Edouard son acolyte, bon sang ! Venant d'une famille bourgeoise, son passé est des plus émouvants, je trouve, où nous comprenons d'emblée que sa relation avec son père a longtemps été des plus problématiques, à cause de la mort de sa mère, de l'incapacité du père à faire son deuil et du refus de ce dernier à sa passion pour la peinture. Selon moi, il incarne vraiment un héros digne d'un roman, car son courage et son lyrisme reste marquant, même après la lecture (le moment où il sauve Albert qui manque de se faire enterrer dans un trou d'obus est juste magnifique). On sent qu'il est beaucoup plus en colère qu'Albert envers la société française, et il veut à tout prix leur faire payer la perte de sa mâchoire. Pierre Lemaître nous décrit la manière dont il confectionne ses masques après la Grande Guerre, et on ne peut que saluer la poésie du personnage, qui se faisant passer pour mort, tente de continuer à vivre à travers son Art. Certes, il ne parle plus, mais l'auteur arrive à nous faire comprendre ce qu'il veut dire et faire à Albert et à nous lecteurs, grâce non seulement à Louise la petite orpheline (qui par je ne sais quelle malice arrive à discerner ses pensées les plus profondes), mais aussi des gestes bien écrits tout en sauvagerie et en significations symboliques. Le combat pour la survie continue, entre secrets, regrets, blessures du corps et de l'âme. Quelqu'en soit le prix, le désir de revanche sur les hommes et la vie est le plus fort et va être le terreau d'une magistrale et cynique escroquerie.

Ces deux hommes en veulent particulièrement à un autre, car l'un a failli être tué par son statut de témoin gênant, et l'autre à cause de son statut de gueule-cassée occassionnée par cela : Henri d’Aulnay-Pradelle. Comment ne peut-on pas détester une ord**re pareille (désolée de la vulgarité) ? N'hésitant pas à descendre des hommes de sang froid par plaisir, épousant la soeur d'Edouard pour obtenir un plus haut rang et profitant des nombreux morts inhumés dans des tombes de fortune sur le champ de bataille, pour signer un contrat avec l’État qui prévoit de les inhumer à nouveau dans des cimetières militaires, vendant « aux collectivités des cercueils remplis de terre et de cailloux, voire de soldats allemands »... ce gars est indéniablement le pire salopard que j'ai lu dans l'histoire de la littérature française.

Il serait dommage d'en dire plus tant l'intrigue mise en place par Pierre Lemaitre est riche en rebondissements et en surprises. Dès les premières pages, la lecture se fait avec un creux à l'estomac, car combien effrayant est le destin de ces jeunes hommes dans l'affreuse tuerie de 14/18 ! Vacarme des armes, odeurs pestilentielles, blessures atroces des gueules cassées, horreur de soi, incurie des gradés et misère du trouffion, toute la guerre est là, dans son carnage de machine infernale. Dans la réadaptation si difficile, c'est tout le désenchantement et la détresse d'une génération sacrifiée en "chair à canon", instrumentalisée par la raison d'état, ses affidés et leurs excès.
Réquisitoire envers l'administration, l'armée, les turpitudes opportunistes de la société d'après-guerre, le frénétique commerce de la mort et de la commémoration, face à l'indifférence de la nation pour les rescapés. C'est aussi une réflexion sur le patriotisme, le courage, la couardise, la loyauté.

Le récit, découpé en trois parties, se déroule sur une période relativement courte, qui débute en novembre 1918 et s'achève en mars 1920, durant laquelle on découvre le visage de la France d'après-guerre avec, d'un côté, ceux qui se sont enrichis grâce aux combats et ont tiré profit du conflit et ceux qui, au contraire, se retrouvent sans rien, livrés à eux-mêmes, attendant une pension qui n'arrive pas… le narrateur fait entendre sa voix, n'hésitant pas à prendre le lecteur à parti et rendant le récit si vivant qu'il devient difficile à lâcher ! Je me suis complètement laissé prendre par cette fresque romanesque sur fond de vengeance, de trahisons, de malversations organisées à l'échelle nationale. Une lecture passionnante et addictive, habilement orchestrée, où l'on se demande sans cesse quand s'arrête la fiction pour laisser place à la réalité… Avec "Au revoir là-haut", j'ai trouvé un véritable coup de coeur littéraire !

Pierre Lemaitre nous dresse un intéressant portrait de la société d'après la Grande Guerre - de ceux qui ont tout perdu, sauf la vie ; de ceux qui s'accrochent aux anciennes valeurs familiales quoi qu'il arrive, tout en restant droit, comme le vieux monsieur Péricourt (père terrassé par la mort d'un fils qu'il n'a jamais su aimer) ; des sangsues qui bâtissent leur fortune sur le chagrin et le malheur des autres, comme ce fumier d'Aulnay-Pradelle (désolée j'adore l'insulter celui-là :p).En conteur magistral, il nous fait changer d'époque, avec une écriture vivante et des portraits hauts en couleur, au plus près du réel. Ca secoue, fait vibrer, fait trembler et compatir. Ca se lit comme un carnet de soldat avec le langage coloré et gouailleur de ce début de siècle. L'auteur a le sens de la formule et joue joliment avec les mots.

Ma note :

"Au revoir là-haut" est un roman que je jugerais marquant en touts points. Il est à la fois d'une tristesse infinie et d'une cruauté glaçante mais aussi témoigne d'une chronique ironique aux personnages et situations croqués avec humour. Après ce livre, je ne verrai plus jamais les monuments aux morts et cimetières militaires de la même façon... En trois mots : il est magistral, époustouflant et mémorable. Alors OUI pour moi, ce livre est une EXCEPTION, un incontournable et un très grand roman ! Il mérite selon moi un 10/10, pour m'avoir appris de nouvelles choses sur le destin des soldats après la Grande Guerre et pour m'avoir fait ressentir autant de tristesse et de colère envers des situations injustes. Monsieur Lemaitre, merci ! ^^

Si vous voulez approfondir votre lecture ou que vous ne savez par où commencer pour découvrir cette oeuvre, le film adapté du roman par Albert Dupontel en 2017 est tout aussi magnifique et mérite vraiment le coup d'oeil ;) Il a reçu 5 Césars en 2018, dont celui du Meilleur réalisateur, de la Meilleure adaptation et des Meilleurs costumes (Quand on voit tout le travail fourni derrière, on comprend d'où viennent toutes ces récompenses). La fin est cependant différente du roman et est plus poétique (mais l'auteur avait donné son accord à Dupontel pour ce changement, donc je ne peux pas considérer cela comme une trahison artistique ! ^^).

Aux dernières nouvelles, la suite de cette histoire "Couleurs de l'Incendie", se recentrant plus sur Madeleine, la soeur d'Edouard et sur son enfant, devrait être porté à l'écran par Clovis Cornillac (propos qui a été validé par Pierre Lemaitre lorsque je suis allée le voir en dédicaces à Toulouse Polars du Sud ;) Donc l'oeuvre de Pierre Lemaitre devrait encore connaître de beaux jours au cinéma <3

Voici la vidéo de la bande-annonce de "Au revoir là-haut" ci-dessous :

 

9782253194613-001-T

"Au revoir là-haut"

(Le Livre de Poche - 2015 / 624 pages)

Publicité
Publicité
Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 18 938
Publicité
Vivre à fond ses passions littéraires et créatives
  • Ce blog parle avant tout des passions les plus importantes dans ma vie : le chant, l'écriture, la littérature, les mangas et le cosplay. Tout cela fait partie de ma personnalité et je voulais vous les partager sur mon blog ! ^^
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Les textes publiés sur ce site sont sous licence Creative Commons 2.0
(Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification)
La plagier est puni par la loi !

61496881_p

Archives
Newsletter
0 abonnés
Publicité