Au fil de mes lectures... - "Tuer Jupiter" de François Médéline

Au fil de mes lectures...

Chaque vendredi, je vous présente une fiche de lecture d'un ouvrage que j'ai lu, dans mes heures perdues ou dans le cadre d'un événement en particulier. Voici le fil "Au fil de mes lectures..." ;)

Peut-on parler librement de politique dans la littérature, notamment quand on veut imaginer la mort du Président Emmanuel Macron ? C'est la question à laquelle François Médéline a voulu répondre de manière sarcastique dans son roman "Tuer Jupiter".

François Médéline

© V. Loison et X. Hacquard/La Manufacture de livres

Résumé de l'histoire :

Le 2 décembre 2018, le corps du plus jeune président de la République française, Emmanuel Macron, rejoint le Panthéon devant les spectateurs du monde entier. Le pays, le gouvernement et ses proches demeurent incrédules face à son assassinat. Ne reste plus qu'à remonter le temps pour suivre les ramifications du complot qui a conduit à cette fin.

Mon avis :

"Tuer Jupiter" est le premier roman que j'ai lu en matière de fiction politique. Cela fait un moment que je vous dis que je suis une passionnée d'Histoire de France, mais je dois vous avouer que je n'ai jamais accrochée à la période de la Ve République ^^' Je pense que cela est dû aux faits qu'il ne passait rien de bien intéressant pour moi, qui aime quand cela bouge et que surtout, le domaine politique n'attirait pas plus mon attention que cela.

La première chose qui a attiré mon attention dans ce roman, c'est sa 1ère de couverture. Elle représente la statue d'une femme, au visage d'Emmanuel Macron, dont la moitié du visage est détruite. Cela n'est pas sans nous rappeler Marianne, l'allégorie de la Liberté, qui se trouve au sein du musée de l'Arc de Triomphe à Paris, et qui avait été cassée par des gilets jaunes en 2018.

Les premiers chapitres sont bien dans cet esprit : j'ai trouvé hyper intéressant le fait qu'on commence l'histoire avec des tweets postés par des politiciens ou journalistes connus, avec le hashtag #RIPEM, qui rend hommage au président Emmanuel Macron fleurissent sur la toile du réseau social. C'est donc le dimanche 2 décembre 2018 que l'on assiste à l'ensevelissement du jeune président de la République lâchement empoisonné dans ce qui apparaît comme un attentat revendiqué par Daesch. Cérémonie au Panthéon conduite par Brigitte Macron (je ne pensais pas autant la plaindre qu'à ce moment-là), discours vibrant de Gérard Collomb, les hommages sont à la fois dignes et poignants. Sincèrement, j'avais trouvé l'introduction très percutante, car elle nous faisait entrer directement dans le vif du sujet, sans de trop grandes envolées lyriques. Le langage journaliste se ressent très fortement dans cette oeuvre, de par les médias omniprésents filmant les événements de la mort de Macron, ce qui m'a fait un temps penser aux romans thrillers. 

Avec "Tuer Jupiter", François Médéline propose moins une critique du pouvoir macronien qu'une fiction politique et sociale sur la puissance des réseaux sociaux et la désarmante, dangereuse et pathétique humanité des grands de ce monde. Trump, Poutine, Macron et tous ceux qui, en France, aspirent à prendre sa place après sa mort ne sont finalement, nous montre François Médéline, que des humains comme les autres, tiraillés par leur ego, menés avant tout par leur cerveau reptilien. Peut-être même, en fin de compte, puisqu'ils n'ont plus de limites, sont-ils plus pitoyablement humains que le commun des mortels. Et bien plus dangereux, donc. J'ai bien aimé cet aspect-là de la politique, car on sentait vraiment bien les enjeux de pouvoirs monter à la tête de certains, comme dans "House Of Cards". Découvrir les ficelles du pouvoir à travers la littérature a été pour moi un plus, car en croisant de nombreuses personnalités connues du milieu politique, j'ai pu vraiment en savoir plus sur les tenants du gouvernement français. Pour moi qui n'y connaissait rien, j'ai été agréablement surprise...

Pourtant, il m'a semblé au bout d'un moment que tout a dérapé pour ne donner finalement qu'un pâle résultat de ce que l'idée originale aurait pu donner. J'aime les livres à rebours pour le côté prophétique, les uchronies qui laisse cours à l'imagination avec des "Et si". Précision, "Tuer Jupiter" n'est en aucun cas un roman policier ou polar ! Et on sent que cela manque grandement dans l'intrigue...

En effet, manque de bol, la lecture ne m'a pas complètement prise. La faute sans doute à l'excès de caricature, quand le trait devient trop gros au point de masquer la finesse du propos ; la faute sans doute à cette forme de zapping/survol - dont j'ai bien saisi qu'il était là-aussi volontaire - qui donne (et dénonce) la façon contemporaine de traiter une actualité qui mérite pourtant mieux ; la faute enfin à ce style parodiant le branchouille de l'époque sans à mon sens y parvenir, frôlant celui du Beigbeder des mauvais jours.

Mes impressions pour les premières pages étaient les bonnes (intrigue soignée, personnages bien introduits, ambiance solemnelle), mais c'est allé en s'empirant malheureusement. On croule sous de nombreux détails, comme des modèles de véhicules, de drones, les vêtements, et pour quelqu'un pas capable de faire la différence entre une Peugeot et une Renault, j'avais tendance à les survoler très rapidment. Même en lisant en diagonale, quelque chose m'a frappé : l'humour qui était parfois mal dosé. Par exemple, dans un moment solennel, Brigitte Macron aux funérailles est accompagnée par le président Larcher. L'auteur dépeint un tableau à la fois triste et romantique comme seule Paris peut l'être, puis il pollue cet instant à coup de « le président Larcher fit sa tête de taupe qui sort du cul d'une vache », « Brigitte Macron joua avec ses yeux qu'elle aurait voulus mystérieux, mais qui inspiraient peau-de-zob ». Dans un autre contexte, cela aurait pu me faire rire, mais j'ai trouvé que cela était malvenu sur le moment. D'habitude, j'aime l'humour noir, mais là ça tombait comme un cheveu sur la soupe.

On aurait presque tendance à oublier qu'il s'agit malgré tout d'une fiction tant le décor est bien planté. Avec un dénouement quelque peu alambiqué (prévisible et un peu amené à la rache), on reviendra cependant rapidement à la réalité. Médéline m'a perdue, il m'a bien eue... mais je ne saurais dire si c'est dans le bon sens ou non ! C'est un livre qui devrait plaire à ceux qui ne peuvent pas encadrer Macron, aux grévistes, aux iconoclastes, aux gilets jaunes qui pourraient y trouver un défouloir. Par contre, il ne conviendra pas aux nantis ni aux CRS. Mais bon, cela ne me semble pas être le sujet du livre.

Ma note :

A la fin de la lecture de ce roman, j'ai eu l'impression d'être passée à côté de quelques chose. "Tuer Jupiter" est certes un roman intéressant sur la potentielle mort d'Emmanuel Macron dans une République à reconstruire, mais je pense qu'il s'adresse plus à ceux connaissant bien la politique française. Même si certains vannes passent bien quand on reconnaît les noms de certains personnalités de ce milieu, on peut parfois être larguée sur les vannes trop crues ou même les dialogues capillo-tractés entre les personnages. 

Après, je ne dis pas que "Tuer Jupiter" est mauvais, mais je pense qu'il faudrait mieux que je relise le livre dans quelques temps, afin que je puisse avoir le temps de cumuler plus d'informations dans le domaine politique et que j'essaye de mieux comprendre les vannes balancées dans ses lignes. En attendant, je lui donne la note de 5/10, car la lecture m'a laissé un léger goût amère de frustration dès la moitié du livre.

Peut-être que, comme pour Jonathan Coe, je n'ai pas lu le meilleur roman de Médéline ^^'

Voilà, j'espère que cette fiche de lecture vous aura plu ! ^^  Sachez qu'elle a été plus difficile à faire que les autres, de par son sujet très alambiqué ^^'

Sur ce, je vous souhaite encore et toujours de bonnes vacances... Et qu'on ne parle plus de politique jusqu'à la rentrée ! XD

"Tuer Jupiter"

(Points - 2019 / 192 pages)