Au fil de mes lectures... - "Salut à toi, ô mon frère" de Marin Ledun
Au fil de mes lectures...
Chaque vendredi, je vous présente une fiche de lecture d'un ouvrage que j'ai lu, dans mes heures perdues ou dans le cadre d'un événement en particulier. Voici le fil "Au fil de mes lectures..." ;)
Et aujourd'hui, je vais vous parler de nouveau d'un polar, tournant autour de la disparition d'une personne dans une famille recomposée, dans "Salut à toi, ô mon frère" de Marin Ledun.
Marin Ledun
© F. Mantovani
Résumé de l'histoire :
On peut dire que la famille Mabille-Pons n'est pas comme une tribu comme les autres : Charles, le père, est un clerc de notaire pacifiste, tandis qu'Adélaïde, la mère, une infirmière anarchiste et excentrique. Ils ont élevé cinq enfants libres et grands, dont trois dans le lot sont adoptés. "Une équipe mixte de volley-ball et deux remplaçants. Neuf en comptant le chien. Onze si l’on ajoute les deux chats." Une famille vivant leur quotidien comme la bourrasque d’une fantaisie bien peu militaire sans nul doute.
Jusqu’à ce 20 mars 2017, premier jour du printemps, où le petit dernier, Gus, manque à l’appel. D'habitude gentil garçon et bouc émissaire professionnel, il a disparu et se retrouve accusé du braquage d’un bureau de tabac, mettant la ville de Tournon en émoi.
Croyant en l'innocence de Gus, la famille Mabille-Pons va tout faire pour le retrouver et l'innocenter.
Mon avis :
Comme d'autres auteurs, j'ai découvert les romans de Marin Ledun à Lire en Poche l'année dernière. Là bas, des écrivains de polar étaient énormément présents (comme Tonino Benacquista ou Michel Bussi parmi les plus connus du lot), mais je voulais aussi apprendre à connaître de nouveaux noms, afin de varier son champ de vision sur ce genre littéraire. C'est comme ça que je me suis mise à lire "Salut à toi ô mon frère" de Marin Ledun...
Pour commencer, je dois dire que ce livre m'a agréablement surprise, car l'intrigue va et vient entre les situations sombres et humoristiques vécues par la famille Mabille-Pons. Marin Ledun nous dépeint vraiment dans ce roman une famille digne des romans de Daniel Pennac. Le roman commence vraiment sur une matinée familiale banale, entre les problèmes de vêtements échangés entre membres de la fratrie et les boulots des parents qui ne cessent de les faire courir (cela m'a fait beaucoup penser à mon vécu à une époque)... pour enchaîner directement dans le vif de l'action : la disparition de Gus ! Cette évaporation inquiète tout le monde, comme cela est bien dit par l'auteur dans le texte : "Gus est le gamin le plus pacifique que la terre ait jamais porté depuis que les Beatles, les Rolling Stones et Daniel Filipacchi ont inventé l'adolescence." (Rien que pour ces références musicales, je me devais de la citer celle-là !).
L'auteur alterne donc son récit avec des petites piques humoristiques et anodines, mais aussi avec des instants critiques, ramenant toujours la famille à la situation initiale dramatique. Ce genre de narration pourrait faire tiquer certaines personnes (qui peuvent s'attendre à ce que ce soit plus sombre encore), mais personnellement, j'ai apprécié ces moments de décompression, qui nous permettait non seulement de souffler pendant un moment de tension, mais aussi de mieux connaître la famille autour de laquelle tourne l'intrigue du roman.
Le personnage de la famille qui incarne le mieux cette légereté face à la disparition de son frère est celui de Rose (nous suivons son point de vue dans l'histoire), une jeune femme d'une vingtaine d'années, qui après avoir fait des études de lettres, s'occupe bénévolement d'un salon de coiffure en faisant aux clients, des lectures à voix haute d'oeuvres qu'elle affectionne. Un de ces passages m'a notamment fait rire, alors qu'elle fait la lecture à une personne âgée : « Montaigne, c'est carrément le summum du porno chic. C'est l'Eyes Wide Shut de la prostate. le cinquante nuances de gris de l'urologie. Plus besoin d'abonnement au câble ».
J'ai adoré tout de suite cet aspect de cette jeune femme, car elle me rappelle moi dans ces aspects cultivés, ce qui m'a permis de mieux m'attacher à elle. De plus, elle est vraiment intelligente et porte des T-shirts comportant des messages écrits dessus, montrant également un petit côté rebelle attachant. Sa verve, son énergie, son impertinence et sa détermination à vouloir retrouver son frère m'a beaucoup touché, car même s'ils n'ont pas les mêmes parents j'ai senti que les liens affectifs étaient plus que présents entre eux.
Mais elle n'en demeure pas moins un personnage barré comme tous les membres de sa famille : certes, elle a un franc-parler qui peut déranger au départ, que ce soit face à ses proches ou aux autorités, mais il arrive parfois que des moments incongrus viennent pimenter son évolution tout au long du livre. L'exemple le plus flgrant est celui où elle tombe amoureuse du flic chargé d'enquêter sur son frère, le lieutenant Personne (j'y ai vu un clin d'oeil à l'Odyssée personnellement). D'ailleurs, le passage qui m'a fait vraiment le plus rire est celui où le policier lui raconte, stoïque, les dernières péripéties de l'enquête au téléphone alors qu'elle lui fait part de ses fantasmes, alors que l'on sait que la vie de son frère est sûrement en danger XD Mais bon, cela ne m'a pas fait détesté pour autant notre héroine (au contraire, la légereté dans une histoire policière est toujours la bienvenue).
En grande majorité, j'ai trouvé l'enquête policière assez simple et sans grand suspense (pour ceux habitués à lire du Agatha Christie et autres intrigues de ce type), et pourtant, j'y ai bien vu une comédie sociale satirique bien prononcée. On sent l'amour familiale débordant tout au long de l'intrigue, ainsi que leurs difficultés à vouloir chercher et savoir la vérité sur l'affaire, dans une ville où les Mabille-Pons sont de plus en plus pointés du doigt à cause de la disparition de Gus. Famille qui est certes atypique et recomposée, mais qui a su garder ses valeurs intactes jusqu'au bout, tout en préservant leurs têtes hautes. Marin Ledun a su avec justesse montrer cette solidarité inébranlable et m'a donné envie plus que jamais de lire la suite des aventures de Rose et ses proches. Son style épuré et simpliste mérite vraiment le coup d'oeil et ravira sûrement les amoureux de polars, comme moi ;)
Ma note :
Avec "Salut à toi ô mon frère", Marin Ledun a su mêler une enquête policière à une comédie sociale satirique vraiment intéressante, où les références culturelles sont foisonnantes. J'ai vraiment ri de bon coeur à le lecture, et cela m'a même donné envie de revoir certains films cités ou d'écouter du bon vieux rocks des années 1960. Personnellement, je le noterai 7,5/10, car j'ai trouvé l'héroine et sa famille attachante, même si quand on est habitué à lire des polars, on voit très vite venir le dénouement de l'intrigue, et la surprise se fait don légèrement décevante. Le roman vaut largement le détour et je le rangerai sans problème dans ma bibliothèque de polars ! Vivement que je puisse lire la suite...
Et voilà, j'espère que mon analyse vous aura intéressé.
Sur ce, je vous souhaite un bon week-end... et maintenant, je vais aller écouter les Rolling Stones à fond dans ma chambre ! :p
"Salut à toi ô mon frère"
(Série noire : Gallimard - 2018 / 288 pages)