Mang'Adaptation - "Un chant de Noel" de Charles Dickens

Mang'Adaptation

Dans "Mag'Adaptation", je vous parle d'adaptations d'oeuvres littéraires connues (françaises ou internationales) en format mangas (CQFD). Pour ceux qui doivent me connaître, j'adore lire depuis l'enfance, et les mangas ont très tôt fait partie de mon univers littéraire. Depuis mes études de lettres notamment, j'ai eu souvent l'occasion de tomber sur des mangas cherchant à vouloir rendre accessible les grands classiques de la littérature en bandes dessinées ou en mangas.

Aujourd'hui, toujours au XIXe siècle (siècle de grands ouvrages littéraires), nous retournons en Angleterre, du côté de la capitale londonienne, et nous allons particulièrement à la rencontre d'une oeuvre spécialement à lire pour la période des fêtes, et qui a été maintes et maintes fois adaptées au cinéma et au théâtre entre autres : "Un chant de Noel" de Charles Dickens.

"Un chant de Noël" de Charles Dickens

(VO : 1843 ; VF : 1857)

(Librio Littérature)

160 pages, 2 €

"Un chant de Noël" de Charles Dickens

(Les Classiques en Manga, Nobi Nobi)

176 pages, 8,90 €

Résumé de l'intrigue littéraire :

Ebenezer Scrooge est un vieil homme qui ne connaît ni la bonté, ni la bienveillance, ni la charité, et il déteste Noël qu'il qualifie de « foutaise ». Il est le patron d'une modeste banque, qui ne possède qu'un seul employé, Bob Cratchitt, qui est vraiment le seul à le supporter, tout dévoué qu'il est à son supérieur et à son travail. Après avoir renvoyé successivement son neveu Fred qui voulait l'inviter à passer les fêtes avec lui, puis deux messieurs sollicitant un don pour une distribution de nourriture et de charbon aux pauvres, Scrooge finit par accepter péniblement de donner un jour de congès à Cratchitt pour qu'il puisse fêter Noël avec sa famille. 

De retour chez lui, il a la mauvaise et paranormale surprise de rencontrer le fantôme de son ancien associé décédé sept ans plus tôt, Jacob Marley. Celui-ci lui explique alors qu'ayant été un mauvais homme de son vivant, lorsque fut le moment de sa mort, il s'est retrouvé condamné à traîner des chaînes, représentant ses erreurs passées. Il avertit par la même occasion son ancien ami en lui signalant que s'il venait à continuer sur ce mauvais chemin, il aurait le même sort que lui. Pour remédier à cela, il lui propose la visite de trois esprits qui viendront lui rendre visite pendant la nuit de Noël. Ces trois rencontres pourraient bien faire basculer à jamais la vie dun vieil avare...

Que lire pour découvrir l'oeuvre ?

Livre VS Manga !

Round 1 - Le livre :

• Les points positifs :

- Avec Harpagon, Ebenezer Scrooge a tout du personnage de l'avare attachant : certes, il est vraiment détestable au début, ne voulant pas écouter les propos des autres au sujet des fêtes et jouant les misanthropes (si vous aimez les vieux pères ronchons dans les pièces de Molière, vous aimerez Ebenezer !), mais il subit une évolution vraiment intéressante dans ce livre. Ses rencontres avec les fantômes vont lui permettre d'ouvrir les yeux sur certaines choses, malgré des réticences notamment lorsqu'il côtoie le Fantôme des Noels Passés.

- Les Esprits de Noel sont vraiment tous bien écrits : pour qu'Ebenezer vienne à changer, il fallait des spectres originaux et assurés pour le guider vers le chemin de la rédemption. Le Fantôme des Noels Passés ressemble à un enfant avec une tête de bougie allumée (symbole du guide dans l'obscurité du temps), le Fantôme des Noels Présents, bedonnant et vêtu de vert et de rouge, montre bien le côté chaleureux de Noel avec son rire communicatif et ses sages paroles envers Scrooge, tandis que le Fantôme des Noels Futurs, semblable à la Faucheuse (cape noire et sans visage), ne prononce aucun mot et par ses gestes, arrivent à communiquer ce qu'il veut dire au vieillard, sans que cela soit trop. Personnellement, je les ai tous apprécié, car doux, amusants et terrifiants à la fois.

- La relation entre Bob Cratchitt et son fils Tiny Tim est vraiment une des plus touchantes que j'ai lu, concernant l'amour familial. Cela se sent quand il le porte sur ses épaules, quand ils discutent entre eux pendant le repas de Noel, mais on ressent ce lien fort encore plus quand (spoiler ! surligner si vous voulez voir la suite : le petit Tiny Tim vient à mourir dans le futur montré à Scrooge, où Bob Cratchitt raconte aux autres membres de la famille qu'il a trouvé un jolie coin au cimetière pour enterrer leur enfant et où le père en deuil va se recueillir sur le lit de son fils en pleurs :'(). Je vous défends de ne pas vous sentir triste à ce moment précis !

- Ce petit roman dénonce de nombreuses choses à travers l'histoire d'Ebenezer Scrooge, notamment les conditions de vie des classes pauvres à Londres au XIXe siècle, ainsi que les évolutions inquiétantes de l'industrialisation. Ces travers sont notamment mis en avant au départ quand Scrooge discute avec les deux messieurs lui demandant de l'argent pour les nécessiteux. La réponse que leur donne l'avare à ce sujet fait vraiment froid dans le dos et montre bien à quel point les gens souffraient à l'époque :

"Puisque vous me demandez ce que je désire, messieurs, voilà ma réponse. Je ne me réjouis pas moi-même à Noël, et je ne puis fournir aux paresseux les moyens de se réjouir. J’aide à soutenir les établissements dont je vous parlais tout à l’heure ; ils coûtent assez cher : ceux qui ne se trouvent pas bien ailleurs n’ont qu’à y aller.

― Il y en a beaucoup qui ne le peuvent pas, et beaucoup d’autres qui aimeraient mieux mourir.

― S’ils aiment mieux mourir, reprit Scrooge, ils feraient très-bien de suivre cette idée et de diminuer l’excédent de la population. Au reste, excusez-moi ; je ne connais pas tout ça."

Un autre passage dénonce justement ces injustices au moment des fêtes, lorsque Scrooge et le Fantôme du Noel Présent observent la famille de Bob Cratchitt fêter la fin de l'année ensemble, malgré leurs faibles revenus. Ce dernier, étant à la fin de son existence, lui présente deux êtres fragiles qui peuvent faire souffrir les pauvres gens laissés sur le côté par la société :

"Des plis de sa robe, il (le Fantôme du Noel Présent) dégagea deux enfants, deux créatures misérables, abjectes, effrayantes, hideuses, repoussantes, qui s’agenouillèrent à ses pieds et se cramponnèrent à son vêtement.

« Oh ! homme ! regarde, regarde à tes pieds ! » cria le fantôme.

C’étaient un garçon et une fille, jaunes, maigres, couverts de haillons, au visage renfrogné, féroces, quoique rampants dans leur abjection. Une jeunesse gracieuse aurait dû remplir leurs joues et répandre sur leur teint ses plus fraîches couleurs ; au lieu de cela, une main flétrie et desséchée, comme celle du Temps, les avait ridés, amaigris, décolorés ; ces traits où les anges auraient dû trôner, les démons s’y cachaient plutôt pour lancer de là des regards menaçants. Nul changement, nulle dégradation, nulle décomposition de l’espèce humaine, à aucun degré, dans tous les mystères les plus merveilleux de la création, n’ont produit des monstres à beaucoup près aussi horribles et aussi effrayants.

Scrooge recula, pâle de terreur ; ne voulant pas blesser l’esprit, leur père peut-être, il essaya de dire que c’étaient de beaux enfants, mais les mots s’arrêtèrent d’eux-mêmes dans sa gorge, pour ne pas se rendre complices d’un mensonge si énorme.

« Esprit ! est-ce que ce sont vos enfants ? »

Scrooge n’en put dire davantage.

"Ce sont les enfants des hommes, dit l’esprit, laissant tomber sur eux un regard, et ils s’attachent à moi pour me porter plainte contre leurs pères. Celui-là est l’ignorance ; celle-ci la misère. Gardez-vous de l’un et de l’autre et de toute leur descendance, mais surtout du premier, car sur son front je vois écrit : Condamnation.""

- Les points négatifs :

- Le roman, même s'il est très facile à lire, est trop court selon moi. C'est, je pense, le plus petit point faible que je peux lui donner. Après cela est certainement dû au fait que l'action ne se déroule qu'une seule nuit.

- L'histoire peut sûrement faire peur les plus jeunes lecteurs, à cause des fantômes ou autres visions horrifiques. Elles sont peu nombreuses, certes mais Robert Zemekis, quand il a adapté cette histoire au cinéma, a bien en avant le côté sombre de l'intrigue, ce qui a donné pas mal de frissons à certains enfants. Je pense notamment aux passages où Scrooge voit à travers la fenêtre les fantômes se lamenter ou encore la "mort" de l'esprit des Noels présents.

 Round 2 - Le manga :

• Les points positifs :

- Le dessin de l'adaptation m'a fait penser à Akira (notamment dans les images de terreur) : les personnages ont des petits yeux, des expressions très exagérées et des traits du visage caricaturaux, mais cela n'enlève aucunement le charme de l'oeuvre. Bien au contraire, on voit et comprend très bien l'avancée de la vieillesse dans les traits au crayon sur Scrooge, le côté benet de Cratchitt ou encore le côté malicieux de l'esprit des Noels passés.

- Le manga adapte ici un passage du roman qui n'était jamais mentionné dans les films : le devenir de Belle, la promise de Scrooge dans le passé. Généralement, les réalisateurs préféraient arrêter ce passage au moment de leur rupture pour appuyer un moment dramatique, mais ici, le mangaka a pris le parti de nous montrer comment elle a vieilli et aussi comment elle voit Scrooge vieillir de son côté à distance, ce qui fait souffrir l'avare encore plus.

- Les points négatifs :

- Même si le manga est un format ouvert à l'adaptation, je pense qu'il passerait mieux en bande-dessinée. En tant qu'occidentaux, nous sommes plus habitués à ce genre de format et découvrir "Un chant de Noel" en manga peut en rebuter certains. 

Qui gagne le match ?

A mon humble avis, le livre reste plus mémorable que le manga. Est-ce que cela est dû au période des fêtes ? Je ne saurais dire, mais j'apprécie ici plus le fait de faire découvrir cette histoire à travers le format original.

Parce que non seulement, il est court à lire et bien découpé, pour ne pas perdre le lecteur, mais aussi parce qu'il fait plus réfléchir sur certaines questions que dans le manga : doit-on fêter la fin de l'année ensemble ? Comment dois-je me comporter auprès des autres ? Ces souvenirs méritent-ils d'être vécus ? Jusqu'où je dois aller pour venir en aide aux autres ? En lisant "Un chant de Noel", je me suis interrogé sur tout cela et cela m'a permis de me remettre en question sur de nombreuses notions assez floues pour moi, afin de mieux apprécier les fêtes de fin d'année et de mieux aimer mes proches. Sincèrement, je recommande cette histoire à tous ceux qui veulent réapprendre à aimer les fêtes ou sa famille ;)

And the winner is... le livre !

Voilà, j'espère que cet article vous aura plu ^^

Sur ce, je vous laisse sur une véritable chanson de saison, que ma soeur aime diffuser chez nous pour fêter Noel, "All I Want For Christmas is You" de Mariah Carrey. De quoi égayer ce dernier mois de l'année 2020 :D